«Kayak Quimper appelle sémaphore de Groix ». Pas de réponse radio.. .Où sont donc passés les observateurs de l’océan ? Peu importe, ici sur la plage de Lomener, à Ploemeur, nous sommes fin prêts à partir. L’île, en face, à quelques miles, nous fait signe depuis sa côte rocheuse, et nous invite à la rejoindre. Nous sommes quinze au départ. Les eaux sont calmes. La traversée s’annonce bien et c’est une grande première pour certains d’entre nous.
Pagayer, pagayer, passer les vagues, pagayer, pagayer, port en vue, pagayer, pagayer, l’île de Groix…nous y sommes. Les balises du Port Tudy sont désormais bien visibles, rouge à bâbord, vert à tribord, les cours de cartographie de Marie prennent leur sens, tout à coup.
La traversée est finie. Déjà ? Trop facile. Hop, direction l’auberge maintenant. Commentaire de débutante. Je pensais que c’était terminé….ça ne faisait que commencer.
A peine arrivés, que nous voilà repartis d’un coup de pagaie aguerri, en direction de l’est. De nombreuses falaises à découvrir depuis la mer, et le trou de l’enfer…quelques milles plus loin. Rencontres surprenantes en perspectives. Mais avant, nous nous arrêtons pour une pause pique-nique, sur une plage à l’allure effrontée, bravant la mer de sa courbe convexe, unique en Europe. Les Grands Sables, nous y sommes. Ici le sable avale la mer et nous, c’est le pique-nique que nous avalons. En grande débutante, et tête en l’air surtout, je l’ai oublié, le pique-nique. Heureusement que les coéquipiers solidaires sont là -Merci Annaig ! – car mine de rien, l’air marin, ça creuse.
L’après-midi, à nouveau sur nos embarcations de vikings, nous voyons défiler les roches et les plages, les unes après les autres: sables rouges, Pen Ganol, pointe des Chats, il y a dans chacun de ces noms un poids historique, sur lequel il mériterait que l’on s’attarde. Cette dernière par exemple, semble plus fameuse pour ses poissons que pour ses chats. A moins que les chats en questions ne soit le surnom donné aux pêcheurs à la ligne nombreux à se retrouver sur le rocher en question ? Puis, suit le port de Locmaria ; la baie des curés –Ah, la baie des curés, bénite des poses pipi. Quelques coups de pagaie plus tard, le majestueux et menaçant Trou de l’Enfer s’impose à nous. Il est là, la gueule béante, comme prêt à avaler les âmes distraites qui, fascinées par sa nature insolite, se retrouveraient happées par lui. D’ailleurs, nous avons bien failli y laisser quelques âmes téméraires et curieuses, ayant peine à résister à la tentation d’une petite visite impromptue, – avec droit de sortie- en ces profondeurs ténébreuses. N’en déplaisent aux curés, protégés dans leur baie quelques vagues plus haut, cet enfer agit comme un aimant, et en fascine plus d’un.
Il est temps d’aller à la recherche de l’auberge, avant que le jour ne décline. Surprise. Cette auberge de jeunesse, s’est réappropriée le passé, d’une manière on ne peut plus insolite. Les dortoirs de l’auberge ne sont autres qu’un alignement de blockhaus, aujourd’hui transformés et repeints avec humour. Ces blockhaus, symbolisant la guerre et la crise de l’humanité, se retrouvent quelques années plus tard, devenus espace de fête et de vacances, quoique bien humides. Ironie de l’histoire et pas des moindres.
Le soir, une petite balade au crépuscule s’impose sur le sentier menant à Port Tudy, en direction de Ty Beudeff, bar mythique de l’île. Celui-ci aussi a de la gueule, mais pas autant que le trou de l’enfer. Cela dit, l’ambiance y est largement plus chaleureuse. Nous rejoignons nos blockhaus quelques heures plus tard, à la tombée du jour, et pour renforcer l’ambiance guerrière, même le tonnerre y met du sien pendant la nuit et se prend à rugir. Il nous nargue, l’animal.
Le lendemain matin, sous un soleil resplendissant, nous retrouvons nos embarcations et partons cette fois-ci, cap à l’Ouest : La côte des sœurs, Port Lay, Beg ar Skeul, Port Melin, Beg ar Vir, Pointe du Grognon, Beg Melen, où se situe le Sémaphore, jusqu’à Pen Men, tout à l’Ouest. Chacun avance à son rythme, l’équipe est plutôt homogène, bien que s’y dessine le rapport particulier qu’entretient chacun avec la mer et le groupe : confiants, patients, loups de mer, attentifs, déterminés, rebelles, bienveillants, participatifs, chacun s’exprime avec sa pagaie et converse avec les vagues, l’écume, le vent, les mouettes, les méduses, les algues…..
Voici l’heure du retour. Après une dernière pause à Port Melin, nous prenons la route du continent pour une nouvelle traversée, en sens inverse cette fois et le vent dans le nez. Les kayaks filent sur l’eau en un spectacle tendre. Le soleil passe du jaune au gris, lance ses derniers rayons, et chatouille les couleurs chaudes de nos embarcations. Dans un dernier souffle, nous touchons le sable de Lomener. Les poignets quelques peu fatigués par ces milliers de coups de pagaie, nous chargeons les kayaks dans un dernier effort sur la remorque. Après un goûter improvisé et apprécié sur la plage, nous reprenons la route, avec 4 roues cette fois, et sans pagaie.
Un grand merci aux organisateurs, de ce beau week-end à Groix, Jean-Michel, Jean-Yves, et un spécial merci à Manu pour son accompagnement sans faille, tout au long de l’année, sur les eaux du Finis Terrae, Penn ar Bed.
Céline, juin 2013